Février 2008, un concours de circonstance fait que je me retrouve invité dans une excursion photographique aux Monts-Valin organisée par Guy Boily, photographe de nature bien connu au Québec.
Quoi de plus attrayant qu’une excursion photographique pour un amateur de photos ? Mais voila, nous sommes en hiver et au Québec, il fait froid !
Le but : faire des photos de nature, mais surtout, c’est la semaine de l’éclipse lunaire et Guy avait prévu cette sortie depuis un an. Comme il n’est pas permis de camper sur le mont, les réservations pour le refuge étaient faites depuis longtemps. Pas d’électricité, pas d’eau, pas de gaz, seulement un poêle à combustion lente – je dits « seulement » mais en fait, le chauffage est un luxe quand il fait -35 C à l’extérieur. Je vais apprendre que la manipulation d’appareils photos numériques à ces températures la n’a rien d’évident.
Bonne équipe : Guy, Charles et moi, beau temps et paysages magnifiques, voici le résumé de notre excursion :
Jour 1 et 2
Nous sommes donc partis de Montréal avec le « camper » de Guy et nous avons fait un arrêt pour la nuit à « Ste-Rose du Nord » ou nous avons campé sur le quai. Levés de bonne heure nous avons visité les alentours en raquettes et aussi testé (sur le fleuve Saguenay gelé) un des traîneaux qui servirait à transporter tout notre équipement. La température est relativement clémente, il fait seulement -5C.
C’est surprenant de voir le fleuve gelé, avec la glace qui suit les marées et le « brise glace » au loin qui ouvre le passage pour les autres navires. Nous marchons sur les glaces avec notre équipement photos, une première pour moi. A l’arrière des falaises, à l’intérieur du fjord, quelques cabanes de pécheurs sont installées pour l’hiver et les traces de motoneiges y montrent une certaine activité. Au loin un hélicoptère se pose au milieu du fleuve glacé. Avec mon 400mm, j’arrive à le voir ainsi que 2 hommes qui se déplacent a coté, puis l’hélicoptère repart. Probablement une manœuvre quelconque ou un repérage, ils sont toujours fascinant ces engins-la.
De retour sur le quai, nous rencontrons un couple d’un certain age qui nous demande si nous travaillons fort. Que veulent ils dire? En fait, le tournage d’un film venait de se terminer dans ce petit village de « Ste-Rose du Nord » et il pensait que nous étions la dernière équipe du tournage. Ils étaient fiers d’avoir été figurants dans ce film mettant en vedette Pierre Richard et Remi Girard.
Nous partons pour les Monts-Valin et après un bonne bouffe (d’ailleurs, nous avons toujours trés bien mangé dans le camper), nous passons la nuit dans le stationnement car notre réservation commence le lendemain matin. Un problème technique m’oblige à passer la nuit dans la cabine du camion et non dans le « camper » chauffé. Donc la nuit se passe pour moi a -25C. Ca aussi c’est une première. Mais les sacs de couchage (sleeping Bag) sont extraordinaires maintenant. Un premier lacet à l’intérieur se ressert au dessus des épaules, empêchant ainsi la chaleur du corps de sortir. Un deuxième lacet ressert le capuchon (c’est un sac de couchage de style momie) et ne laisse une ouverture que pour le nez – on respire lentement, on ne pense pas a la claustrophobie ! – et garanti, je n’ai pas eu froid. Ce qui n’a pas été agréable, c’est que j’avais laissé les fenêtres fermées, et au bout de quelques heures, l’air que je respirais était très humide (par moment, j’avais l’impression de respirer de l’eau) et je commençais probablement à manquer d’oxygène… a ne pas refaire !
Jour 3
Très froid ce matin ! Nous préparons les affaires que nous emmènerons pour les 3 nuits à venir – équipement photo, nourriture, vêtements – et nous nous dirigeons pour prendre la navette, mais elle est en panne. C’est en traîneau accroché derrière une motoneige que l’on nous transporte sur 14 km jusqu’au sentier de “la Vallées des fantômes”, celui que nous devons prendre pour aller au refuge.
Petite promenade en raquettes de deux heures avec nos deux traîneaux pour nous rendre au refuge. Déception, les fantômes ont disparus : le temps doux de la semaine précédente a fait disparaître la neige qui recouvrait les arbres, enlevant le charme de la vallée. Les arbres ne sont plus les boules de neige qui les font ressembler à des fantômes, mais ils ont plutôt repris leur allure normale. La magie n’est pas au rendez-vous, dommage, mais on ne contrôle pas le temps !
Le refuge est un petit chalet de construction récente, avec une piece principale et deux chambres (quatre lits par chambre – lits superposés). La journée, tout les randonneurs s’y arrête afin de se réchauffer et de se reposer avant de reprendre leur promenade. Pour nous, c’est notre camp pour les trois prochaines nuits.
Une heure et demi avant le couché du soleil, nous nous préparons afin d’aller jusqu’au sommet pour immortaliser « galarneau » dans toute sa splendeur. En même temps, repérage pour voir ou la lune se lève et choisir un endroit pour notre éclipse lunaire. Ouaip ! Ben là-haut c’est pas chaud ! Y fait même fret en $%?&/ !!! Le thermomètre nous indique -35C et il est bien à l’abri dans la neige (celui sur mon sac indique -47C). Habituellement ce thermomètre est à la hauteur des yeux, mais avec la quantité de neige qu’il y a, il se retrouve sous nos pieds. Ainsi beaucoup de petits sapins que nous voyons à notre hauteur sont en fait des arbres matures, avec seulement leur cime qui dépasse.
Le « petit » vent qui nous fouette le visage en rajoute à ce froid sibérien. Guy est dans son élément et c’est fascinant de le voir aller, habitué et à l’aise de manipuler son équipement dans un froid extrême enlevant même ses gants sans problème. Comme il le dit : « Je me sent vivant ! ». Ben pour une première, moi je me sens disons… congelé !
Non seulement il faut avoir en tête les images que l’on veut prendre afin de ne pas trop avoir à réfléchir sur place, mais il faut vraiment savoir ou l’on s’en va photographiquement parlant. Ce n’est plus le temps d’ouvrir un manuel pour savoir a quoi sert cette fonction, ni de se poser la question sur quel objectif utiliser ou quel filtre fera l’affaire. Tout doit être fonctionnel et instinctif. La manipulation des batteries en photographie numérique est primordiale, 5 photos en exposition plus ou moins longue et votre batterie vous crie qu’elle a froid, et elle se met aussitôt en grève. On en sort une qui est au chaud sur nous, et on place notre gréviste en récupération, à son tour bien au chaud. Pendant ce temps, c’est notre manteau qui est ouvert, et le vent vient nous transpercer les os en nous rappelant de faire vite.
Il faut également surveiller nos partenaires. Une narine de Charles est devenue blanche, signe d’engelure. On réajuste les cagoules et tout rentre dans l’ordre.
Le soleil c’est couché, j’ai pris quelques photos, maintenant c’est la lune qui est dans le ciel, mais caché par des nuages. Le ciel fini par s’éclaircir, et comme la lune est très haute, il nous faut redescendre un peu afin d’avoir un « fond intéressant» pour photographier l’éclipse.
Le sentier est étroit, nous sommes collé sur les arbres et la lune est de plus en plus haute. Nous nous retrouvons donc en avant du refuge ou le terrain et dégagé, les arbres éloignés et la lune à bonne hauteur. A cause du froid, je commence à me battre avec mon trépied qui n’en fait plus qu’a sa tête. Avec la légère poudrerie causée par le vent, nos objectifs se sont couverts lentement de givre, déformant les photos – et pas question de souffler dessus ni de les frotter. Guy, plus brillant que nous, remet le couvert de l’objectif entre chaque photo. L’expérience entre photographier les caraïbes et les territoires du grand nord fait la différence !
L’éclipse lunaire est maintenant devant nous, le spectacle est magnifique, bien gravées dans ma tête, beaucoup moins bien en JPG. Pas d’importance, l’expérience que je vie est irremplaçable.
Jour 4
Guy et Charles se lèvent de bonne heure (5:00am), moi, je passe mon tour. Je me suis rentré quelque chose sous l’ongle du pouce quelques jours auparavant et la j’ai le doigt en feu, ce qui m’empêche de m’en servir. Le feu du foyer, contrairement a mon pouce, c’est éteint durant la nuit et la condensation à l’intérieur des fenêtres c’est transformée en glace. J’en profite pour coller mon pouce dessus tout en restant couché (je suis sur la couchette du haut, a coté de la fenêtre).
Plus tard dans la matinée nos colocataires (n’oublions pas qu’il y a huit place dans le refuge) essaient de faire repartir le foyer, mais c’est le détecteur de fumée qui a réagit le premier et le réveil fut strident.
Guy et Charles reviennent de leur levé de soleil : petit déjeuner et repos pour eux, l’heure d’aller aux toilettes pour moi. Heu… Bon… La toilette est a l’extérieur (au moins il y en a une), et pour le chauffage, on oubli ça ! Je garanti qu’on attend jusqu’au dernier moment et que tout est terminé en moins de deux minutes ! Et pour faire ma toilette, je me contente du minimum… je me brosse les dents. Pour l’eau, on fait fondre la neige dans un chaudron sur le foyer et avant de la boire, on la fait bouillir sur le réchaud et refroidir dans une bouteille.
En après midi, la température est plus clémente – il fait entre -15C et -20C -, le vent est tombé, le ciel est bleu et le soleil brille. Promenade agréable dans les sentiers, je me roule même dans la neige pour rendre des photos, la vie revient, le choc climatique s’atténue un peu.
Nouveaux colocataires pour la nuit, soirée tranquille avec quand même quelques tests de photo de nuit, ou cette fois je me bas avec mon « timer » parce que les boutons ne font pas ce que je voudrais qu’il fassent – la prochaine fois je relirais le manuel avant de partir !
Jour 5
Guy c’est encore levé de bonne heure pour le levé du soleil et je passe encore mon tour.
Aujourd’hui, repérage en raquettes, nous avons traversé la vallée des fantômes « hors piste » (ou nous en avons enfin croisé un), pour voir si nous pouvions accéder a une falaise afin d’y photographier d’intéressantes stalactites de glaces. Petite promenade au milieu de la forêt, ou seul un léger vent se fait entendre et la vue y est magnifique. Du blanc, du bleu et du vert a perte de vue, quelques nuages passant devant le soleil modifient la texture du relief. Enfin prendre le temps de regarder, de savourer ce que la nature nous offre.
La encore se fut intéressant de voir les angles que Guy a pris pour ses photos, définitivement différents des nôtres.
Jour 6
Cette fois, mon pouce allant beaucoup mieux, je me lève en même temps que Guy et Charles afin de photographier le levé du jour (4 :30am). Bon sang, c’est presque l’heure ou j’aime me coucher d’habitude ! J’exagère un peu, mais quand même, c’est tôt !
Nous partons pour le sommet, sous un clair de lune. Chacun s’arrête de temps en temps afin de prendre quelques photos de nuit ou la lune et encore presque ronde et apparaît au milieu des arbres majestueux. On pourrait presque entendre les loups garou !
Arrivés au sommet, juste le temps de nous installer et la lumière s’annonce devant nous, en arrière des montagnes. Le spectacle est grandiose. Un point rouge apparaît, grossissant rapidement, allumant en même temps tout le contour des montagnes. La neige à coté de nous passe du gris au jaune, au rouge, au rose. Le ciel s’enflamme jusqu’à ce que le soleil soit complètement sorti, et la, une nouvelle journée commence. Spectacle fantastique a savourer pleinement, j’en oubli le froid.
La lumière du jour est maintenant présente, nous redescendons au refuge. Les préparatifs du retour complétés, nous reprenons le sentier du premier jour pour y attendre la navette qui nous ramènera au stationnement.
Le centre d’accueil des Monts-Valins est équipé de douches, quel bonheur !
Nous reprenons la route direction Tadoussac ou nous attendons le traversier afin de passer la nuit sur le quai de Port au Persil. Oui je sais, les campeurs sont interdits mais à ce temps de l’année, nous somme les seuls dans la région !
Problème d’alternateur au milieu de nul part – il faut bien un peu de piquant ! L’alternateur est quand même gentil, puisqu’il tiendra le coup jusqu’à sa réparation. Nous nous installons pour la nuit sur le quai.
Même problème technique qu’a l’aller et je décide de passer la nuit dans la cabine. Cette fois je laisse les fenêtres entrouvertes pour faire circuler l’air, même un peu trop. Les fenêtres étant dans le sens du vent, l’atmosphère est glaciale dans la cabine (un autre -25C ). Mais bon, je suis quand même bien au chaud dans mon sac de couchage et la nuit se déroule relativement bien, si ce n’est toujours d’avoir l’impression de respirer de l’eau et de l’air pour le moins rafraîchissante.
Jour 7
Levés aux premières heures du matin, entourés des glaces du fleuve qui se déplacent avec la marée descendante, une petite église sur le coté, des nuages délicats et cotonneux dans le ciel, le soleil se lève et le spectacle est encore magnifique. Trépied qui bloque, affichage de l’appareil photo au ralenti, batteries qui ont plus froid que moi et le miroir interne qui se lamente à chaque prise de vue… mais tout tient bon quand même. Quel défit d’être la, à l’heure ou tout le monde dors, bien au chaud, pour voir un spectacle que seul quelques privilégiés voient ou remarquent.
« -Pas le temps de remarquer ça ! » nous dirons certains…
Bien sur, vivre avec la nature n’intéresse plus personne, ou si peu. On a plus le temps de prendre le temps.
Petit déjeuner et direction St-Urbain, chez des amis de Guy. Retour tranquille vers la « civilisation ».
Good, Excursion aux Monts-Valin PhotoGlobe.ca.
J’ai trouvé très intéressant de lire votre récit. Je suis allée aux Monts-Valin les 16 et 17 février 2008 avec mon partenaire de plein air, Alain. Nous avons couché dans un igloo. Nous aussi, on a eu la surprise d’apprendre que le véhicule était brisé. Il faisait moins 24oC pour monter en ski-doo. Par contre, nous avons été plus chanceux car les fantômes et les momies étaient au rendez-vous. Au sommet, il faisait moins 37oC. Je n’ai pas souffert du froid et mes appareils photos (argentique) ont bien tenu le coup. La lecture de votre récit m’a rappelé de très bons souvenirs. Vos photos sont superbes. Au plaisir de vous relire. Bravo et soyez persévérant. Nous avons tellement un bel hiver !
Pascal, ici ton problème technique qui t’écrit.Wow! C’était génial et très agréable de te lire. C’est comme si j’y étais tellement que les descriptions étaient a point.Merci de m’avoir fait revire ce beau voyage et OUI, j’attends la suite de ton récit.Charles le RON …..EUR.